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Ceux de la montagne
13 mars 2011

Les civilisations de la neige

civilisation_de_la_neige

La neige et la glace ne sont, au fond, que de l'eau congelée. Plus poétiquement encore, il s'agit d'oxyde d'hydrogène (H2O) à l'état solide, cristallisé (neige) ou amorphe (glace). Émouvant, en vérité...

Et pourtant, que de rapports, et combien anciens, unissent l'homme à ce banal état de la matière, sur une bonne partie de la planète ! Rapports physiques, culturels, spirituels même. À tel point qu'il ne serait pas abusif de considérer la neige, et subsidiairement la glace, comme un cinquième élément, aux côtés des quatre traditionnels; l'eau, le feu, la terre et l'air.

La mer, l'océan, mis à part, il n'est peut-être rien, dans le monde naturel, qui séduise autant l'imaginaire humain. Comme pour la mer, la seule évocation de la neige amène les images en foule, et fait rêver. Même ceux qui habitent des pays où elle ne tombe jamais. Et même les individus les plus prosaïques et les moins aventureux.

Images multiples. De paix et de silence, avec le sommeil hivernal de la Nature sous l'uniforme couverture blanche, comme de fureur et de péril, avec les tempêtes, le blizzard, les avalanches, la perte des égarés. De repos et d'immobilité douillette, avec le poêle et les provisions, comme d'action et de mouvement, avec randonnées, compétitions, raids, expéditions. De désert gelé comme de milieu spécifique d'une vie originale et attachante - tant plantes qu'animaux. De peuples naguère encore "primitifs" comme d'immenses chantiers sous les projecteurs, et de villages de hautes vallées comme de traces de skis dans la poudreuse....

Tous les pays de neige ont fondamentalement un trait commun : la nature y est très présente, et son caractère cyclique très accentué. Elle y est exigeante et impérieuse, dangereuse souvent, dure toujours. Belle, aussi.

L'homme n'y est pas le bienvenu. Cela ne l'a pas découragé. Pas plus que par la mer infinie, les déserts brûlants, la jungle moite ou les deltas inondés, il n'a été rebuté par l'Arctique, la montagne alpine, ou la Sibérie. C'était rude, mais il s'est accroché, et a déployé là, comme ailleurs, l'aptitude à l'effort tenace et intelligent qui, à côté de tant de défauts et parfois d'abbérations, est tout de même sa plus indiscutable qualité. L'homme a vécu, et vit, en pays de neige. En passant en revue ces pays, on retrouve toute la gamme de ses adaptations, depuis la survie héroïque d'êtres presque entièrement démunis de moyens, jusqu'à l'aménagement en terrains de jeux des hautes pentes et des glaciers. Ainsi les civilisations de la neige sont-elles, à bien des égards, un résumé, voire une épurée, de la trajectoire de l'espèce.

Que cette inlassable dépense d'énergie patiente et sagace, que cette domination progressivement croissante de l'environnement, ne se soit pas forcément accompagnée d'un progrès semblable dans la responsabilité vis-à-vis de la Nature, et pour dire les choses carrément, dans la conscience chez l'homme de son humanité, est une vraie question, qui ne concerne pas seulement des écologistes. Cette question, sans nous y appesantir, nous ne l'avons pas esquivée.

Ce même anthrope, homo sapiens sapiens, ne se contente pas d'assurer sa subsistance, il aime de surcroît accomplir des exploits. Aussitôt que le simple souci de son existance ne l'accapare pas tout entier, il se lance dans ce qu'il peut trouver de plus ardu comme entreprises de découverte, et quand il n'y plus de blancs sur les cartes il se défie lui-même. De ce point de vue, neiges et glaces lui ont fourni, et lui fournissent toujours, un champ d'action éminent. Aussi le présent ouvrage fait-il leur place aux explorations, anciennes et récentes, et aux performances.

Enfin les glaciers, "parure de la haute montagne", selon la formule de Paul Veyret, terrain de jeu des alpinistes et skieurs d'été, sont aussi dans certaines montagnes sèches du monde, un élément vital. L'eau qu'ils fournissent est essentielle à l'irrigation des terroirs enchâssés à leur pied. Ces civilisations des glaciers, à travers l'exemple de la vallée de Hunza dans le Karakorum, sont le sujet du dernier chapitre.

Notre souhait est que ceux des lecteurs qui aiment, comme nous-mêmes, les pays de neige et de glace, retrouvent dans ce livre, ce qui les attache à ces régions. Et qu'il fasse naître chez d'autres l'intérêt pour ces grandes étendues où l'homme, plus qu'ailleurs se trouve face à lui-même. (Introduction des auteurs)

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