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Ceux de la montagne
2 mars 2011

À propos de............

 

« Les montagnes ont toutes leur histoire et font vivre ces instants d'inspiration où l'on est entièrement coupé du monde d'en bas »

 tashi_ventavon

Ne pouvant pas voyager ou randonner en montagne à cause de mon métier (berger dans les Hautes-Alpes) qui me laisse peu de temps, je le fais à travers la lecture de livres, de documentaires ou par le biais des photographes.
 Ce blog  est donc un blog de partage de tout ce que je connais, que j'ai lu ou vu sur la montagne.
Bonne visite et n'hésitez pas à cliquer sur les photos pour tomber sur les sites où je les ai emprunté et vous aurez parfois de très très belles surprises.

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Voici un texte de Yves Paccalet que j'aurais voulu écrire si j'avais ce talent là.

frise_edelweiss

La magie des hautes terres

Il y a dans les montagnes, une magie que ressentent les dahus, mes frères. Peut-être ce sortilège procède-t-il de facteurs biologiques ou physiologiques - entre autres de la diminution de la pression atmosphérique et de la raréfaction concomitante de l'oxygène. Insuffisamment alimenté en gaz vital, le cerveau dérape sur la pente de l'ivresse ou du délire d'interprétation. De là naissent des illusions, des impressions fallacieuses, des perceptions bizarres, des sensations étranges. Les forêts, les rochers, les glaciers se peuplent de créatures, d'ombres démoniaques ou angéliques, de silhouettes sarcastiques ou gémissantes, de génies malfaisants ou bénéfiques. Les brumes créent l'hallucination. Les séracs se font fantômes. Les pics et les couloirs deviennent palais de conte. C'est dans ces circonstances qu'on entrevoit la croix de feu plantée sur la cime, la vouivre qui ondule dans le lac, le loup-garou qui écume dans la clairière, ou le diable en train de lancer un pont sur des gorges de vertige, dans l'espoir d'emmener quelques âmes en enfer. L'autre face de la montagne est lumineuse ; pas moins énigmatique, mais resplendissante. Les premiers rayons de l'aurore révèlent les crêtes. Midi peint les falaises d'à-plats gris, noirs, ocre, beiges ou roux, mêlés d'argent et de velours gris-vert ou gris-bleu. Le crépuscule du soir rosit les sommets, les enflamme, les rehausses de cobalt, d'améthyste ou de grenat. Lorsque l'orage éclate, les zébrures de la foudre parlent un language d'étincelles que ponctuent les rugissements rageurs du tonerre. Lorsque je contemple une montagne, je rêve d'en toucher la pointe. J'aspire à la gravir. Je me vois debout là-haut. Sur le plan physique, je n'en suis pas souvent capable. Ma chair est faible, hélas !.... En voyant défiler les années, près de la soixantaine, je suis même certain de ne jamais réaliser mon rêve d'Everest. Je n'escaladerai pas la déesse blanche des neiges, celle dont la tête touche le ciel - le Sagarmatha des Népalais, le Chomolungma des Tibétains. Mais j'y monte aussi souvent que je veux par l'imagination. Je ne suis pas un authentique grimpeur, un obsédé des parois, des arêtes, des vires, des dalles, des dièdres et des surplombs. Je ne collectionne ni les cimes, ni les voies. J'incarne plutôt le montagnard généraliste. Ce qui me passionne, dans les hautes terres, c'est la totalité du rêve et du réel qu'elles engendrent. Leurs légendes et leurs mythes, leur histoire tectonique et géologique, surtout, la vie qu'elles nourrissent - végétale, animale et humaine. Ce que j'y cherche, c'est le souffle d'un dieu ou l'ombre d'une nymphe oréade, une pierre d'olivine ou un cristal de quartz, un papillon nègre emporté par le vent ou une coccinelle égarée...Le faucon pélerin qui plonge, le tichodrome échelette qui déploie le carmin de ses ailes, la panthère des neiges et la chèvre des rocheuses, le yak et l'edelweiss....Ce que j'y quête, c'est le gorille de montagne et le condor des Andes, l'aigle royal et l'ours à lunettes, le lagopède et le bouquetin. Bien sûr, la montagne, c'est aussi le montagnard. Je veux dire : l'homme qui choisit d'y vivre ; ou celui auquel on n'a pas offert d'autre alternative que de s'y réfugier ou de mourir. J'ai un faible pour le berger. Quand il mène son troupeau, qu'elle que soit l'espèce (vache, chèvre, brebis, chameau, renne, yak ou guanaco), le pasteur est partout le même. Il sacrifie à regret un animal pour la fête. De temps à autre, il tond. Deux fois par jour, il trait. Grâce au lait, il nourrit ses enfants et fait le fromage. La saveur aigre du caillé des hautes terres me hante. Comme me pursuit le parfum de l'orge, du seigle, du riz, du maïs ou de la pomme de terre qu'on plante en terrasses sur les pentes, et qu'on cuit sous la tente au Hoggar, dans une masure des sierras mexicaines, dans une cabane du Tibet ou une yourte d'Asie centrale. En montagne, lorsque la nuit tombe, la pureté de l'air et la magnificence du ciel d'étoiles rappellent à quel point on se rapproche des mystères essentiels. On ne les appréhende pas d'avantage que dans la plaine, bien sûr. Mais là-haut, Aldébaran, Bételgeuse, Véga ou Arcturus brillent avec une intensité sans égale. On imagine qu'on peut les toucher, et c'est déjà un prodige.

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